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ce qui ravit mes 5 sens ...
10 avril 2012

La philosophie enseignée à ma chouette d'Yves Cusset

Pas encore lu celui-là, mais il me semble plein de promesses ...

philosophie chouette

A comme Amour (extrait)

Il n'existe que deux grands types d'amour : l'amour physique et l'amour sexuel. Pourtant un seul nom suffisait à l'origine à désigner les deux : Eros. Mais Eros est devenu exclusivement sexuel le jour où l'on a découvert que, sous le nom d'amour, la courtoisie du désir («Permettez-moi, Madame, de vous baiser») cachait en réalité la sauvagerie des pulsions («Oh Madame, t'es trop bonne»). Ce qu'un docteur viennois un peu fripon, qui avait la drôle de manie d'allonger ses patientes pour mieux déshabiller leur âme, résuma approximativement en ces mots à la fin du XIXe siècle : «Le désir, c'est l'alibi bidon qu'on s'invente pour cacher nos pulsions». Et l'alibi bidon devint par un étrange lapsus la libido. «Ah le voyou !», ont tenté de rétorquer les puritains choqués, mais de manière trop timide, de la sorte que leur plainte devint «I love you».

Yves Cusset a 35 uns. Professeur de philosophie, il est aussi comédien et auteur de solos philosophiques qu'il a présentés sur de nombreuses scènes de France, notamment à Avignon.

Extrait du livre :
A comme Amour

L'opinion courante au sujet de l'Amour est totalement erronée (comme l'opinion a de toute façon tendance à l'être, surtout lorsqu'elle est courante), car on dit généralement que l'amour ne se définit pas mais qu'il se ressent. Or un simple effort d'analyse historico-philosophique, même tout à fait succinct, suffit à faire apparaître de manière claire et distincte l'évidence de la thèse contraire : l'amour ne se ressent pas, il se définit uniquement.
Faisons d'abord la nique à quelques idées reçues. Il n'existe que deux grands types d'amour : l'amour physique et l'amour sexuel. Pourtant un seul nom suffisait à l'origine (qui dit origine dit nécessairement Grèce antique) à désigner les deux : Éros. Mais Éros est devenu exclusivement sexuel le jour où l'on a découvert que, sous le nom d'«amour», la courtoisie du désir («Permettez-moi, Madame, de vous baiser») cachait en réalité la sauvagerie des pulsions («Oh, Madame, t'es trop bonne»). Ce qu'un docteur viennois un peu fripon, qui avait la drôle de manie d'allonger ses patientes pour mieux déshabiller leur âme, résuma approximativement en ces mots à la fin du XIXe siècle : «Le désir, c'est l'alibi bidon qu'on s'invente pour cacher nos pulsions», et l'alibi bidon devint par un étrange lapsus la libido. Ce ne sont que les fouilles menées à la même époque en Europe centrale qui ont fait apparaître que l'amour - au contraire de la libido, qui est originaire d'Alibi - est enfant de Bohême (comme le docteur Freud qui y naquit) et qu'il n'a jamais connu de lois (au contraire de Freud qui ne pense qu'à ça). Comme quoi on trouve de tout en Bohême. Bref, même si l'amour est soi-disant universel, rappelons-nous quand même qu'il est d'origine tchèque et de tendance anarchiste. Ce qu'une étymologie contestée confirme pourtant aisément. A- : contraction phonétique du préfixe «ad» indiquant l'appartenance, la provenance ou l'origine ; et -Mour : diminutif de Moravie dont chacun sait, j'espère, qu'elle est passée en 1411 sous le gouvernement direct des rois de Bohême : depuis cette date, qui est originaire de Moravie est aussi enfant de Bohême. CQFD. Nous pouvons par conséquent écarter cette anecdote peu sérieuse dont vous avez certainement eu vent et selon laquelle le mot d'«amour» remonterait au XVIe siècle, à une rencontre prétendue entre un ours des Pyrénées et une duchesse de la cour du roi d'Angleterre. Sous l'effet de l'alcool, la duchesse aurait confondu le mammifère velu avec son fougueux amant français. Encore hésitant dans la langue de Shakespeare, l'ours, surpris de ce quiproquo et afin d'échapper à la terrible et libidineuse duchesse qui avait l'air prête à le bouffer, au lieu d'affirmer distinctement «I am a bear», comme aurait pu le faire sereinement n'importe quel ours anglophone, n'aurait pu dire que dans un mauvais franglais : «am our». D'où le sobriquet d'«amour» dans lequel se rencontrent l'innocence de l'enfant et l'indélicatesse de l'ours.

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  • Un fouillis pour farfouiller, fouiner, fureter et s'égarer ... peut-être même ramasser de-ci de-là quelques cailloux plaisants ...Un mélange de musique, de lieux, d'images, de livres, de films, de sites, de blagues, de recettes, de rencontres ...
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